Transatlantique en double




TRANSATLANTIQUE EN DOUBLE
Départ Las Palmas – Canaries - mercredi 19 février 2014
Arrivée Le Marin – Martinique – Lundi 17 mars 2014
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2796 Milles
5556 Km
26 jours
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Attention : âmes sensibles s’abstenir. S’il fallait décrire la traversée en un seul mot, ça serait OUAHOU !
Adélie vue d'Errance
La navigation :
Partis en même temps qu’Annick et Stéphane sur leur voilier Errance, nous nous sommes perdus de vue dès le 3ème jour. 
Errrance

Dès le départ, mer grosse, agitée, forte houle et peu de vent. D’entrée, l’océan annonce la couleur. Le pilote refuse de fonctionner dans ces conditions et le régulateur d’allure (Georges) estime que le vent n’est pas assez conséquent pour qu’il puisse faire son boulot correctement. Première nuit blanche… et une première semaine passée dans un shaker. Nous sommes claqués et pour pimenter la chose, lorsque nous voulons faire tourner le moteur, plus rien. Le tableau de bord reste éteint. Bien !!! Nous voici donc uniquement à la voile. C’est le moment de se plonger dans les manuels et de trouver le pourquoi du comment de la panne. Le moral est un peu dans les chaussettes à ce moment là et les soutiens des amis par courriel et téléphone ont été d’un grand réconfort. Merci à eux. C’est là qu’un téléphone satellite est un sacré plus.
La panne provenait d’un contacteur du fusible qui s’était un peu détaché. Ouf ! Problème réglé. Mais c’était sans compter sur une mort annoncée des batteries ! La traversée se fera donc sans énergie autre que pour le GPS, la VHF et l’AIS et sans aucun éclairage de nuit. Il fallait préserver les batteries pour pouvoir démarrer le moteur à l’arrivée et croiser les doigts en attendant. Nous étions un voilier fantôme la nuit.
La seconde semaine n’a pas été mieux. 2 jours de « pétole » puis retour d’une forte houle croisée. Par contre, nous avons eu enfin du vent (Adélie a fait jusqu’à une pointe à 9 nœuds)
 Transat barométrique (succession journalière des ondes tropicales)
Ensuite, une fois arrivés au niveau de Cap Vert, nous étions sur rails. Direction Ouest et Alizés bien établis dans la durée : 20/25 noeuds. Georges a pu tenir le cap et nous abandonnons les quarts pour une veille plus relax. De toute manière, nous étions épuisés et, comme le disait Antoine lors de sa première traversée : « statistiquement, il n’y a qu’une infime probabilité d’entrer un collision avec un autre navire dans ces contrées ». Donc, AIS branché la nuit et nous allions voir à tour de rôle (du bol, nous ne nous réveillions pas au même moment) si notre route tracée sur le GPS (lui allumé 24/24h) était bien suivie par Georges. La plupart du temps, ce fut le cas mais nous avons du tout de même à rester vigilants. Durant toute la traversée, nous n’avons croisé que 4 unités hors zone de collision. L’un nous a même appelé par la VHF (toujours allumée elle aussi) pour nous demander si tout allait bien à bord. Sympa.
Les quatre jours précédant notre arrivée, nous avons « ramé » à 2,5 n maximum (vitesse Adélie) et là, nous commencions à trouver le temps vraiment long.
Côté voiles : génois et Solent tangonés ; binôme parfait.

Arrivée sans problème au Marin. Le chenal est parfaitement balisé (mais il est évident qu’il faut éviter d’y entrer de nuit si l’on arrive pour la première fois). Bien avant l’arrivée, il faut aussi scruter la surface car les pécheurs disposent des casiers un peu partout jusqu’à la limite du chenal. Mortel ! Le moteur s’est mis à ronronner au premier contact (c’était Noël !)
Transat terminée. Ha bon ?

L’équipage :

Il vaut mieux être « anti-choc », être convaincu du pourquoi nous sommes là parce que les sensations et sentiments sont puissants et que l’on passe à peu près par tous les stades (hormis les extrêmes fort heureusement). Aucune échappatoire n’est possible. Le chemin est long et il faut gérer au quotidien les états d’âmes. C’est parfois compliqué ; surtout lorsqu’on a une épée de Damoclès suspendue sur la tête (le moteur va-t-il démarrer à l’arrivée ?). Il faut donc faire abstraction du problème et profiter de l’instant présent. Facile à dire, plus compliqué à réaliser. Nous avions un plan B. Si les batteries refusaient de donner assez d’énergie pour démarrer, nous avions prévu d’aller mouiller à Sainte Anne qui se trouve à côté du Marin. Au départ, nous avions prévu la première escale à la Barbade mais les batteries en ont décidé autrement…
En navigation, les sens sont toujours en alerte et l’attention perpétuellement en vigilance.
Physiquement, une fois les trois premiers jours passés, l’amarinage est fait et le corps s’adapte facilement. L’effort musculaire est constant car il faut compenser les mouvements du voilier sans aucune halte. Comme nous étions, la plupart du temps, confrontés à une houle hostile, tous déplacements devaient être réfléchis histoire de ne pas valdinguer et se blesser. Il était devenu instinctif d’anticiper au cas où… Ce qui n’a pas empêché quelques bonnes gamelles.
Dix jours après le départ, le capitaine est tombé malade ! 5 jours à plat dont 1 (méchant souvenir que ces 24 h là car l’imagination - et j’en ai à revendre - sait parfaitement construire quelques scénarios de films catastrophe) où il est resté au fond de la couchette, intoxication alimentaire alors que nous avions mangé les mêmes choses. Antibiotiques et problème résolu. Aucun autre problème notoire. Quelques kilos ont été perdu au profit de muscles et donc, c’est parfait.

La nourriture :

Les produits frais ont tenu plus que nous le pensions (presque 15 jours) sauf les bananes moins de 10 jours. Nous mangions assez peu mais minimum 3 fois par jour. Comme nous avions prévu pas mal de conserves maison, les repas furent variés et appréciés.  Nous avons aussi inventé des associations de mets que jamais nous n’aurions eu l’idée d’adjoindre à terre (et, en plus, c’était super bon).
Le capitaine a aussi pêché une superbe dorade coryphène. Un extra fort délicieux.

Quelques anecdotes :

- A deux jours de Las Palmas, nous avons eu la visite d’un pigeon (voyageur bien entendu) venu se reposer un long moment avant de repartir. Il a fait de même sur Errance. Voilà un pigeon qui a le sens de l’opportunité.
- Une seconde en équilibre précaire et nous voici à 4 pattes à jouer au Mikado avec des spaghettis qui se sont répandus effrontément au sol après une vague scélérate. Evidemment, c’était un paquet plein et il y en avait partout.
Dans le même genre d’idée, nous étions champions du rattrapage d’objets en plein vol. très vite, plus rien n’était laissé sans sécurité, même pas une seconde. Et, lorsqu’on remplit un verre, prière de tenir compte de la houle !
Systématiquement, chaque fois qu’il fallait faire quelque chose d’un peu délicat, nous avions l’impression que « le géni de la houle » se manifestait à ce moment précis.

- Durant la première dizaine de jours, nous avons entendu, de temps en temps, des voix. Rien de mystique, rassurez-vous, mais des bribes de conversations non audibles mais que nous percevions et ce, à de moments différents du jour ou de la nuit. Phénomène qui n’avait rien d’inquiétant mais parfois énervant. Nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu ça, bien d’autres marins ont raconté ce genre d’aventures. Mais cela surprend. Par contre, nous n’avons pas été assez épuisés pour avoir des hallucinations visuelles ; pas vu la Pinta par exemple…

Le bruit :

Le silence n’existe pas en mer. Très vite, l’on connaît exactement tous les sons provenant du voilier qui varient suivant l’état de la mer ou du vent.
Ecouter est très important. Sans voir, l’on sait que le vent a changé (le bruit du vent sur les voiles n’est plus le même) ou que l’on a changé de cap (la houle frappe Adélie d’une autre manière.
La force de l’océan est impressionnante. Parfois, l’on entendait un gros coup de canon. Une vague venait de cogner la coque.

Les OUAHOU !

La beauté de l’océan. Espace à l’état brut qui tolère la brindille qu’est Adélie. Nous sommes minuscule et lui si puissant. Il n’y a que lui et nous. Où que l’on regarde, il est là et s’il daigne nous faire une faveur, une grosse vague nous propulse dans les hauteurs et permet d’élargir encore l’horizon. Que dire ; splendide, grandiose, extraordinaire. Oui, bien entendu. Mais mortel et sans état d’âme si l’on fait une erreur.
Ressentir et voir la puissance de la houle est aussi quelque chose. Voir l’énorme vague arriver à l’arrière d’Adélie qui la soulève avec aisance et sentir le voilier glisser…
Pour la première fois, nous avons vu des lever et coucher de soleil sans aucune limite visuelle. Mais le plus fantastique, ce sont les lever et coucher de lune ! Là, même les plus grands « Ouahou » son largement en dessous de la vérité. Si l’on ajoute les étoiles…… il n’y a plus de mots tellement c’est grandiose. Et, cerise sur le gâteau, nous avons eu droit à une pleine lune…… magique !

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Corps fatigués, voilier qui s’est très bien comporté et une sacrée aventure qu’il faut un peu de temps à intégrer. « Ouhaou » on l’a fait !
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